mardi 2 octobre 2018

Sorcières, la puissance invaincue des femmes

Mona Chollet, sorcière moderne.
 
J’aime beaucoup Mona Chollet, sociologue et journaliste franco-suisse qui officie au sein du Monde diplomatique. 

Spécialiste de questions de société et plus particulièrement du féminisme, Beauté fatale et Chez soi ses deux derniers livres sont des synthèses très claires, extrêmement bien argumentées et documentées sur des sujets larges et parfois un peu confus.


Beauté fatale, paru en 2012, démontre comment le marketing issu du complexe Mode/Beauté s'est emparé de la condition féminine. 

Cette industrie y est décortiquée sur plusieurs niveaux: cosmétiques, luxe, publicité, presse féminine, blogs, starification, égéries, milieu du cinéma, agences de mannequins, chirurgie esthétique et rapport au corps. 
Elle détaille notamment comment la récupération des arguments féministes proposant aux femmes « d'être elles-mêmes » a été insidieusement associée à un ensemble d'injonctions et de modèles extrêmement standardisés. Ainsi, le rôle de la presse féminine, des blogs (inspirations plus ou moins élaborées de cette même presse) et leur absence d'alternative, y sont particulièrement bien décrits. 

Elle démontre également la mise en avant de modèles passifs et comment par exemple le syndrome « être découverte » remplace le prince charmant traditionnel, la mentalité faussement ouverte des intellectuels français en prend aussi pour son grade. 
Beaucoup de questions sont abordées, c'est un ouvrage que je conseille de lire. Mona Cholet a l'art de faire des synthèses qui poussent à aller chercher les références qu'elle distille pour approfondir et inciter à développer ses propres idées.

Dans Sorcières, qui me semble complémentaire à Beauté Fatale, elle précise dès introduction qu’il ne s’agira pas de parler en détail de la sorcellerie contemporaine mais de développer à travers la figure générique de la sorcière quatre thèmes autour de la féminité :

  • L’indépendance
  • Le refus de la grossesse,
  • La vieillesse
  • Le rapport à la nature.

Ceux qui s'attendent à trouver un essai détaillé sur les sorcières, leur origine historique et leur essence, seront certainement déçus. Dans ses quatre parties, la figure de la sorcière est surtout utilisée comme un symbole, une figure mythique des injustices et des discriminations à l'égard des femmes d’aujourd’hui. C'est avant tout une image, un support pour penser des types de femmes stigmatisées et pourchassées à l’époque de la chasse aux sorcières : les célibataires, les veuves, les femmes qui maîtrisaient leur procréation, les femmes âgées, et dont la symbolique négative a perduré dans l'imaginaire collectif. 
 
En explorant l'histoire des chasses aux sorcières, Mona Chollet recherche les origines de la stigmatisation qui touche aujourd'hui ces femmes indépendantes, les femmes célibataires, les femmes sans enfants, en particulier celles qui n'en veulent pas, les femmes âgées et celles qui assument les signes de leur vieillissement au lieu de se soumettre aux injonctions du jeunisme.
Elle démonte les schémas misogynes cachés qui sont à l'oeuvre et démontre combien ils entretiennent avec ruse une guerre contre les femmes. 
Cette phase conscientisée, elle incite alors, à travers cette figure de la sorcière, à faire éclore en chaque femme une puissance positive : « La sorcière incarne la femme affranchie de toutes dominations, de toutes limitations ; elle est un idéal vers lequel tendre, elle montre la voie. ». Elle envisage ainsi cette figure comme quelque chose qui peut permettre de construire une puissance au féminin.

Comme l'ensemble de ses ouvrages, un très vaste champ de connaissances est balayé, d'une façon limpide, il y a également une grande part personnelle car Mona Cholet n’hésite pas (comme dans ses précédents opus) à se livrer, d'une façon introspective, humoristique et sensible. Elle offre à son essai l'éclairage de sa propre expérience et nous incite à réfléchir à la notre, c'est une œuvre vivante. 
 
C'est particulièrement intéressant, et encore une fois les références qu'elle utilise sont l'occasion d'aller chercher plus loin, par soi-même. 

Un travail très intelligent. A lire !


256 pages – 18 euros (format papier) - existe également en format numérique.

Éditions Zones – Paris – 13 Septembre 2018

1 commentaire:

  1. Hommage à la Sorcière...
    La sublime Prêtresse qui chantait le cantique de la Nature, l'inspiratrice des hommes, la grande consolatrice, Celle qui était la promesse et la miséricorde, Celle qui était la science et guérissait toutes les blessures, a été chassée du temple.
    L'ignorance a pris sa place et s'est faite orthodoxie. Alors, que va-t-elle devenir ?... Qu'elle le veuille ou non, la voilà destinée à l'oeuvre sourde des conspirations.
    « Humiliée dans les petites occupations, elle qui avait vu par-dessus nos fronts, dit Jules Bois, elle fut enfoncée dans les détails obscurs. La sibylle qu'elle porte en elle fait semblant de dormir, mais s'éveille parfois.
    « La femme est en tête de l'hérésie. Chassée du temple, elle devint la sorcière. Elle paya cette révolte du plus riche et du plus précieux de son sang. Les Albigeois et les Gnostiques la glorifièrent. La sainte Sophia était pour eux la Déesse invisible. C'est dans le massacre que fut noyée cette résurrection mystique de la femme. Plus tard, quand les Bohémiens arrivent à Paris, ils disent obéir à la sublime maîtresse du feu et du métal, prêtresse d'Isis, qui dans le dernier de leurs chariots penche un front couronné de sequins sur les livres antiques. Mais la pauvre sorcière du moyen âge est encore la plus dolente. On l'extermine par hécatombes. »
    Mais il faut un prétexte pour l'exterminer.
    On l'accuse d'exercer un pouvoir magique, occulte et tout-puissant, pour nuire à l'homme.
    Et cependant, malgré la persécution, elle travaille, elle écrit, son esprit toujours actif se manifeste sous l'impulsion de sa plus brillante faculté, l'intuition ; c'est ce qui fait dire à Jules Bois, dans Le Satanisme et la Magie (p. 43) : « Elle se relève la nuit, écrit d'étranges pages, qui semblent ne jaillir ni de ses souvenirs, ni de ses lectures, ni de ses conversations. D'où alors ? Autour d'elle, on s'inquiète : comment croire à des fraudes ? On se récrie, on résiste, puis d'épouvante on accepte tout. C'est que l'invisible devient visible de plus en plus, il commande, il conseille, il investit la maison de sa présence outrecuidante, utile cependant. Il gère les affaires, prophétise, allonge dans la famille moderne l'ombre des vieux Dieux. »
    Après ce massacre de la Femme, qu'allait-il rester de la société humaine ?
    « La Femme universelle, toujours refoulée par l'Eglise, la Mère étouffée par la Vierge, la Femme vraie, sans fausse honte de sa nature et de ses dons » (Jules Bois). En effet, il restait la Nature avec ses éternelles lois. Il restait la Femme !.. Déesse sans autels, Reine sans royaume, qui n'ose avouer sa royauté,... mais la prend quand même !
    Mais toutes n'étaient pas des femmes fortes, des sorcières. Il y avait aussi les femmes faibles et amoureuses de l'homme perverti.
    Mais les femmes fortes allaient à l'homme maudit, à celui que, par un paradoxe fréquent, le prêtre appelait « Satan », c'est-à-dire à l'homme vrai, grand et droit. Elles allaient donc au diable, elles se donnaient au diable, modeste, pauvre, déshérité comme elles.
    Ce sont eux qu'on appelle les bons hommes, on les prend en pitié parce qu'ils n'ont pas l'astuce et l'hypocrisie des grands seigneurs de l'Église. Ces naïfs sont restés fidèles à l'antique loi morale ; aussi, comme ils sont ridiculisés, avilis, meurtris, les pauvres grands bons hommes, et hués par le peuple abruti ! Mais qu'importe à ces hommes ce qu'on dit d'eux ? il leur reste la vraie femme, la grande, c'est-à-dire tout, et c'est cela qui, finalement, les fera triompher.
    https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.fr/

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